lundi 18 juin 2007

Hommage à Sembene Ousmane à travers « Xala »

Hommage à Sembene Ousmane à travers « Xala »

Dans la nuit du samedi 09 à dimanche 10 juin 2007, un grand de l’Afrique a quitté ce monde pour toujours. Sembene Ousmane, romancier et « doyen des anciens cinéastes africains » comme il aimait à se faire appeler , a tiré sa révérence à l’âge de 84 ans. Voici ici, un hommage à lui à travers une critique de « Xala », l’un des films les plus appréciés de son répertoire riche d’au moins 15 œuvres cinématographiques.
La trame est celle d’un quinquagénaire El Hadj Abdou Kader Beye, homme d’affaire Sénégalais, par ailleurs, membre d’une certaine chambre de commerce où il côtoie les plus hautes sphères de la politique. Ils sont, dans leur club, les nouveaux riches qui tiennent les rênes de la société. El Hadj, imbu de sa puissance économique, va épouser, par devoir, une troisième femme nettement plus jeune que lui. Le mariage sera célébré avec faste. Ses deux premières épouses, malgré leur colère, sont tenues de participer à la cérémonie où elles se sentiront de trop. Adja la première souffre en silence. Oumi la seconde rend visible sa douleur mais reste impuissante comme d’ailleurs Rama la fille de Adja qui bien avant la cérémonie, s’est vue gratifier d’une belle gifle de la part de son père. Le soir de la célébration, le drap nuptial est demeuré immaculé. « Il n’y a rien eu », dira la nouvelle mariée à sa mère. Abdou Kader Beye est frappé d’impuissance. Il a le « xala ». Alors commence pour lui le calvaire. Les marabouts consultés lui prescriront des pratiques ridicules ; encore plus ridicules que celles consistant à enfourcher un mortier et sensé éloigner le mauvais sort que lui avait conseillé sa nouvelle belle mère le soir du mariage et qu’il avait rejetée. Pour payer le bon marabout qui avait fini par le rendre de nouveau homme, il n’a plus que ses chèques sans provision. Ce dernier lui rendra plus tard, ce que « sa main lui avait enlevé ». Abandonné de par ses deux dernières épouses, exclu de la chambre par ses pairs, dépouillé de tous ses biens, El Hadj Abdou Kader Beye ne sera plus que l’ombre de lui-même. Puis, vient le tour des mendiants de se venger de lui. Parmi ces « déchets humains mauvais pour le tourisme du pays » tel qu’il les traitait auparavant, un fils de paysans que El Hadj avait, des années plus tôt, spolié en falsifiant leur nom. Celui-ci lui infligera une bonne séance d’humiliation.
Ce long métrage de 128 minutes pose le triple problème de la polygamie, de l’identité culturelle des Africains au lendemain des indépendances et de la probité morale dans la gestion de la chose publique. Oeuvre du cinéaste Sembene Ousmane, « Xala » rend compte avec fidélité, des vicissitudes d’une époque dans un genre qu’on peut qualifier de néoréaliste. Un réalisme effrayant en effet. D’abord, l’instinct dominateur de l’homme qui écrase le sexe faible de tout son poids économique. Un sexe faible qui, de son côté, se plait dans l’hypocrisie en feignant le consentement même lorsqu’il se sent brimé au plus profond de lui-même.
L’hypocrisie, voilà le trait de caractère qui se retrouve à tous les niveaux de la société dépeinte. Ainsi la modernité pour laquelle la nouvelle classe dirigeante opte, ne se révélera que comme une position hypocrite s’adaptant de manière opportuniste aux situations comme un caméléon prend les couleurs de son environnement. Lorsqu’il s’est agi de prendre une nouvelle épouse. El Hadj s’est rapidement souvenu que la modernité ne doit pas lui faire oublier ses traditions qu’il a reniées en d’autres circonstances. D’où le problème de l’identité culturelle qui jette un flou sur l’état d’âme même des Africains de l’après indépendance. Ils ne sont « ni poils, ni duvets » comme le dira la troisième belle-mère du puissant homme d’affaire. Mais est-ce aussi la modernité qui leur fait ériger leur fortune sur le dos des pauvres ? De toutes façons, ils finiront par payer leur mal comme le montre si bien le sort réservé au héros à la fin du film. Et ce sera la grande leçon de ce long métrage.
Engagé, Sembene Ousmane l’est jusqu’au bout. « Xala » aura été une description parfaite des interrogations de l’époque en question. Les rôles sont bien tenus d’une manière générale par leurs détenteurs. « Xala » souffre cependant de mauvais éclairages comme d’ailleurs la plupart des films africains. Le caractère peu illisible du générique du film écrit tout en rouge vient en rajouter à cette défaillance mais n’enlève rien au professionnalisme de ce film sorti en 1973 et diffusé plusieurs fois sur la Télévision Togolaise.
Nathalie Akakpo

mercredi 30 mai 2007

Le patrimoine colonial en débat: entre restauration, restitution et abandon

Conférence
Le patrimoine colonial en débat : entre restauration, restitution et abandon

Le thème peut paraître désuet, superflu, inactuel et même provocateur dans le contexte délicat d’une Afrique souffrant aujourd’hui de plusieurs maux. Il serait, en effet, légitime de s’interroger sur le bien fondé d’une problématique qui met en jeu un certain patrimoine colonial pendant que des millions d’âmes croupissent dans la misère et que des peuples entiers doivent, désespérément, combattre quotidiennement la dictature pour sortir la tête de l’eau. Mais pour peu que l’on transcende les premières impressions en poussant l’analyse plus loin, il est aisé de se convaincre de l’opportunité du débat, celui-là même qui a rassemblé un public autour d’un groupe de spécialistes le vendredi 27 mai 2007 au Goethe Institut de Lomé. A la table ce soir-là, Bernard Müller, chercheur et commissaire d’exposition indépendant français ; Kangni Alem, écrivain et professeur chercheur à l’Université de Lomé ; Thierry Bonnot, ethnologue et historien français ; A. Goeh-Akué, historien à l’université de Lomé et comme modérateur, Martin Gbénouga, chef de département de la faculté des lettres modernes à l’UL.
La conférence s’inscrivait dans un projet plus vaste dénommé « Broken Memory » et a démarré depuis quatre ans par « Curio », une association qui conçoit, produit, et réalise des projets interdisciplinaires. La préoccupation, ici, n’est pas celle d’une volonté inconditionnelle à rendre possible le retour ou seulement la restauration des butins de guerre arrachés pendant les conquêtes coloniales. Il s’agit juste de créer un espace de réflexion et d’échanges en faveur d’une compréhension plus maîtrisée de l’environnement social, culturel et politique actuel d’où toute l’actualité du sujet. En effet, il n’échappe à personne aujourd’hui que c’est pendant la colonisation qu’ont été noués beaucoup de liens qui subsistent encore aujourd’hui entre les pays occidentaux et leurs ex-colonies. Le projet, il faut le reconnaître, est polémique mais a le mérite d’inciter à la réflexion et surtout à la réalisation d’un inventaire des traces de la colonisation en vue de mieux se situer par rapport à la question. Cette option, c’est à M. Müller, initiateur du projet « Broken Memory » qu’il est revenu la charge de l’expliquer à l’assistance. En présentant donc son projet qui est animé par un groupe international composé de chercheurs, artistes, critiques … et qui comporte plusieurs volets à savoir des conférences, des expositions … , l’orateur a rappelé la tendance actuelle qui est partagée entre une option valorisante et une autre négligente du sujet. Ce n’est, en effet pas un certain Nicolas Sarkozy, président français de son état et animé par l’idée que faire un mea culpa pour ce qui concerne l’esclavage est un aveu de haine de soi, qui s’investirait dans un débat pareil. M. Müller n’a pas manqué de citer quelques uns des butins aujourd’hui exposés dans des musées occidentaux et faisant juridiquement partie du patrimoine national de ces pays-là. Il s’agit entre autres, des objets d’art saisis en 1887 au Nigeria, de cette statue emblématique ayant appartenu au roi Gbéhanzin de Dahomey et qui est actuellement en exposition au musée de Louvre en France. Le crâne du sultan de l’actuelle Tanzanie emporté depuis 1898 est quant à lui, revenu au bercail dans les années 50.
L’intervention de M. Kangni Alem a été le compte rendu d’une traversée dans le nord Togo, notamment à Binaparba et Katchamba à la recherche des traces de la colonisation dans l’imaginaire des populations. Les empreintes sont évidentes et leur approche, les diverses versions parfois contradictoires qui en sont données ne font que traduire un intérêt encore vivant du passé colonial dans les esprits.
M. Thierry Bonnot s’est, plutôt lui, intéressé aux restes des grands hommes et ce, dans le souci de convaincre son auditoire de l’importance que peut présenter les vestiges pour l’épanouissement d’une civilisation et au-delà le caractère économique qu’ils peuvent revêtir.
Mais, c’est quoi, le patrimoine et c’est quoi la colonisation ? Quel lien convient-il d’établir entre les deux ? Pour répondre à ces questions, le regard de l’historien Goeh-Akué selon qui le patrimoine existe sous ses formes tangibles et immatérielles qu’il faut d’abord reconnaître avant de se les approprier. Ce qui paraît une évidence chez le professeur d’histoire, c’est que pendant cette période trouble de l’humanité que l’on a nommée « colonisation », c’est au finish, l’âme de l’Afrique qui a été emportée. Une idée reprise par nombre d’intervenants au cours du débat qui a suivi les exposés, débat, par ailleurs très riche et parfois houleux.
Nathalie Akakpo

Jémima Fiadjoe entre « le désert et l’océan », le temps d’une dédicace

Jémima Fiadjoe entre « le désert et l’océan », le temps d’une dédicace

C’est une dédicace spectacle que Jémima Fiadjoe a donné ce mardi 22 mai à l’hôtel Ibis à l’occasion de la sortie de son dernier recueil de poèmes. Intitulé « Le désert et l’océan », cette œuvre poétique aborde divers sujets relatifs à la souffrance d’une manière générale, mais aussi à l’espoir qui peut se pointer à l’horizon pour une Afrique en proie à la faim, aux guerres et aux maladies.
Pour symboliser cette longue marche de l’Afrique vers un meilleur devenir, l’auteur, par ailleurs, médecin pédiatre, a choisi la femme qu’elle cherche à revaloriser. La femme est, au fait, au centre de cet ouvrage dont la couverture est frappée de l’image d’un tableau du célèbre plasticien Paul Ayhi, tiré de sa collection privée et représentant un visage de femme. « Le désert et l’océan », c’est deux phases d’une même réalité : ignorance et connaissance, endormissement et éveil, éléments caractérisant toute vie, toute société. Mais le rêve de la poétesse, c’est de contribuer à vaincre l’ignorance en faveur d’une vie plus épanouie. Ce recueil édité par les Editions de la Rose bleue est dédié à deux illustres personnalités du monde musical togolais aujourd’hui disparues : le professeur Alex Dosseh-Anyron, père de l’hymne de la République togolaise et Luc Dosseh-Anyron, éminent pianiste et architecte. Le dernier bébé de Madame Fiadjoe a été présenté au public par l’archéologue Angèle Aguigah qui l’a décrit comme un ensemble de poèmes faisant rêver mais aussi réfléchir, une traversée du désert en trois actes. C’est, a-t-elle déclaré, un délice pour la pensée, les yeux et le cœur surtout. De ce recueil, ont été déclamés plusieurs poèmes notamment « Le mal de vivre », « Nouveau regard », « Héritage » … avec un accompagnement instrumental assuré par le pianiste Kely Fiadjoe qui n’est autre que le fils de l’auteur. La soirée a également été émaillée d’interprétations de chansons dont la célèbre « Malaïka » de Myriam Makéba.
Nathalie Akakpo

dimanche 27 mai 2007

HOMMAGE A JULIE AKOFA AKOUSSAH




HOMMAGE A JULIE AKOFA AKOUSSAH
JULIE AKOFA AKOUSSAH, UNE RICHESSE NATIONALE, UN TRESOR INOUBLIABLE : Le 24 avril 2007, la communauté musicale togolaise perdait un des siens ou, faut-il dire sa maman Julie Akofa Akoussah. Présidente de l’Union Nationale des Artistes Musiciens du Togo (UNAM), cette diva de la musique togolaise, contemporaine de la légende musicale Bella Bellow, qui a collaboré avec les grands noms comme Manu Dibango, Charlotte Dada, Bonkana Maïga, Myriam Mékéba ou Aïcha Koné, est décédée en France des suites d’une longue maladie dans sa 58e année. La nouvelle diffusée par la chaîne de la télévision mère lors de l’édition de la mi-journée du 25 avril, même si elle avait été déjà démentie en février dernier, a surpris tout le monde. Car, même si elle avait disparu durant quelques mois de la scène musicale, Akofa Akoussah était une femme très vivante qui émerveillait ses fans avec ses petites chansons improvisées et pleines d’humour. Beaucoup doivent certainement se demander qui était Akofa AkoussahNée le 12 avril 1950 à Tsévié, Julie Akofa Akoussah a fait ses premiers pas de musicienne à 8 ans déjà dans la chorale Saints Pierre et Paul de la paroisse Ste Immaculée conception de Nyékonakpoè à Lomé en tant que soliste principale. Passionnés de musique, elle abandonna ses études en classe de 1ère pour se professionnaliser. En 1966, elle participe au festival des arts nègres à Dakar où elle partage la scène avec sa compatriote Bella Bellow. Elle a collaboré également avec plusieurs orchestres au Togo. Notamment Mélo Togo, Rock Mambo. Ok Festa, Rio Romancero, Erico Jazz, etc.De son duo avec le poète togolais Ouyi Tassane , naît son premier album « Tu ne m’écris plus » ainsi commence pour Julie Akofa, une longue et brillante carrière agrémentée de sorties, plusieurs fois en Allemagne, au Zaïre, à Cannes, Suisses, Belgique, Limoges, etc. Elle a ensuite sorti d’autres albums, 10 disques 45 tours, 2 maxi 45 tours, 2 disques 33 tours, 2 disques compact (CD).Comme titres phares, on peut citer « Lonlonvéviyé », « Gbadja Gbadja », « Maboué », « Azo balibato » ou « Don du Kodjo », etc.Sa carrière a été couronnée de plusieurs prix du festival de la chanson togolaise en 1971 ; celui de la jeune chanson française en 1976, prix femme de l’année en 2000, diplôme d’honneur et trophée de leader d’opinion mondiale de lutte contre le SIDA. Véritable star nationale, ne disait-elle pas qu’elle avait la musique dans le sang ? « Je suis convaincue que grâce à la musique, je peux communiquer la joie qui m’anime à tous ceux qui, du fait des circonstances de la vie, ont le cœur affligé et en sont arrivés à perdre le sourire », a-t-elle eu à confesser.Parallèlement à sa carrière de musicienne, Akofa Akoussah s’est essayée dans le théâtre de rue appelé « Cantata ». Ele a travaillé pendant 8 ans à Radio Lomé où elle animait une émission variétés et de détente « Amicalement vôtre » et durant un an à la Télévision togolaise (TVT) comme speakerine. Comme instruments, elle jouait du piano et de la guitare.L’artiste ne meurt jamais.Pour beaucoup, Julie Akofa a su évoluer avec son temps en mettant son expérience au service des jeunes artistes émergeants. Par conséquent, elle a pleinement rempli son contrat sur terre et la marque qu’elle a laissée aux générations à venir et dans le souvenir de ses contemporains est éternelle. En fait, la diva de la musique togolaise préparait ses 40 ans de carrière avant d’être évacuée vers la France.Pour le président actuel de l’Union Nationale des Artistes Musiciens du Togo (UNAM), M. Lonlon Locoh, l’artiste ne meurt jamais, ses œuvres sont là pour témoigner et démontrer qu’il est toujours vivant. « Je dirai que Akofa Akoussah est une richesse nationale, un trésor inépuisable. Elle a été une bonne maman, déterminée intrépide, courageuse et travailleuse mais très rigoureuse et exigeante. Elle a toujours œuvré pour un travail bien fait. Elle aimait tous ses enfants que nous constituons et nous exhortait à cultiver l’excellence. Jusqu’à ses derniers jours, elle nous a toujours dit : « M. le vice président faites en sorte que l’UNAM aille de l’avant, que les artistes fassent un travail basé sur la qualité qui réponde aux normes ». et j’ai eu l’habitude de lui répondre que le programme de qualité UEMOA qui a été initié, nous trace la voie de faire en sorte que les normes soient respectées afin que nos produits soient compétitifs. Je m’y emploierai autant que faire se peut pour que la qualité de la musique togolaise soit bonne et compétitive. Nous ne pouvons que lui souhaiter bon repos et faire la profession de fois que nous allons continuer l’œuvre que nous avons commencée ensemble pour le meilleur devenir des artiste et de la musique togolaise », a solennellement promis M. Locoh. Il a indiqué que l’UNAM, depuis le 24 avril, a décidé d’observer un deuil de 40 jours jusqu’au 2 juin 2007. Des concerts sont ainsi prévus au domicile de la défunte tout le long de ce deuil dont l’apothéose sera le 03 juin avec une exposition d’œuvre d’art dans le hall du Palais des Congrès de Lomé.Julie Akofa Akoussah sera inhumée demain samedi 19 mai dans l’intimité au cimetière d’Ati-Atovou, son village natal dans la préfecture de l’Avé à 65 km de Lomé.Cette vois cristalline, veloutée et chaleureuse, l’on s’en souviendra toujours.Que la terre lui soit légère.
Blandine TAGBA
In TOGO PRESSE du vendredi 18 mai 2007
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dimanche 20 mai 2007

Le Mocta en « soirée de retrouvailles culturelles »

Le Mocta en « soirée de retrouvailles culturelles »

Pour une seconde fois depuis sa création en octobre 2003, le Mouvement Culturel Triangle des Arts (Mocta), fidèle à son objectif de promouvoir l’amitié, la fraternité en vue de transcender toutes diversités, s’est retrouvé à l’hôtel Acropolis à Tosti pour permettre à ses membres issus de divers horizons, de se retrouver en famille.
A l’hôtel Acropolis ce samedi 12 mai 2007 pour célébrer la diversité, il y avait des hommes et des femmes de toutes catégories sociales. Des interprétations musicales, des sketches, des blagues, des danses folkloriques...ont meublé la soirée dans une atmosphère de détente, tout ayant débuté par l’exécution de l’hymne du Mocta intitulé : « Peuple de culture ». Un hymne qui proclame la vision de tolérance du Ttriangle exprimée dans le slogan : « Différentes cultures, un seul peuple ». Selon Parfait Dzivénou, journaliste et fondateur du Mouvement, la soirée s’inscrivait dans une action globale qui visait à partager les précieuses valeurs prônées par le Mocta avec le grand public. Tout s’est déroulé dans la simplicité. Exactement comme l’ont souhaité les « moctaristes » qui se reconnaissent non experts dans l’art du spectacle mais seulement des personnes de bonne volonté animées du désir de réussir là où les politiques ont échoué. Au Mocta, la foi en la culture comme un facteur de développement, est inébranlable. Une initiative à encourager.
Nathalie AKAKPO

Sidibé et Gakpara en spectacle au CCF le week-end passé

Sidibé et Gakpara en spectacle au CCF le week-end passé

Décidément, Alassane Sidibé se confirme et s’affirme dans son art. L’homme a plusieurs facettes mais ce soir du 19 mai au CCF, il a tout fait (conté, chanté) sauf jouer du djémbé comme à l’accoutumée. Il n’a pas pour autant, moins accroché. Les deux histoires contées se mariaient si harmonieusement avec sa tenue de scène relevée artistiquement d’une calebasse à la main … à la sahélienne. Rien n’était fortuit. Sidibé parle du mariage comme condition sine qua non du bonheur et comme par hasard, le voici, racontant, chantant et dansant en boubou bicolore bleu blanc, couleurs du mariage. Il ne manquait plus que le rose.
Vivace ! Voici le qualificatif qui convient à cette prestation qui, prévue pour être un prélude, a, en réalité été par elle-même un spectacle entier. En tout cas, le conteur a préparé le public en lui insufflant une atmosphère de détente évidente.
Quand tout de suite après, Frédéric Gakpara fit son entrée sur scène, l’air grave conformément à ses habitudes, il fut accueilli dans une ambiance de gaieté engendrée par ailleurs par ce qui, dès ses premiers spectacles, est devenu un peu comme son slogan : « Zondé ! zondélo ». Le public était, avec lui, coacteur. C’est justement là, l’une des caractéristiques du théâtre libertin dont la mission, essentiellement, est de réhabiliter le concert party, théâtre populaire qui a connu dans notre pays ses moments de gloire avec des comédiens comme Kokuvito, Azé et autres, mais est aujourd’hui en voie de disparition. Gakpara prend sur lui de ressusciter ce genre tout en lui donnant une forme nouvelle, à cheval entre l’oralité et l’écriture. Sa démarche répond au souci de se démarquer du théâtre élitiste pour rendre l’art dramatique plus accessible. Le spectacle du week-end dernier intitulé « La charcuterie de la république 2 » s’inscrit dans la suite logique de la série de sketches regroupés sous le nom de « La charcuterie de la république » et qui existe déjà d’ailleurs en version imprimée et sur CD.
Le décor est invariablement celui d’un étalage où sont exposés des objets hétéroclites. L’exposition est frappée de l’inscription : « Missé bazar man ». Une manière pour Gakapra d’annoncer l’esprit du spectacle qui plonge d’emblée le spectateur dans une ambiance de marché avec des interpellations de vendeurs à la criée d’objets de tous genres. Le charcutier vend en effet un peu de tout : slips, seaux, pièces détachées usées, amuse gueules, boissons locales… Dans la « république », les sujets « charcutés » sont tout autant variés : l’Afrique en brève, premier anniversaire de l’éclipse, l’argent de Dieu… Pour concocter son « quotidien indépendant d’informations et d’analyses », le comédien s’inspire de l’actualité politique, sociale, économique… du Togo et du monde et s’exprime dans un style caricatural où le public reconnaît aisément des personnalités politiques.
Le rire était donc au rendez-vous. Mais dans un spectacle, fut-il théâtre libertin, le rire est-il vraiment tout ? Ceux qui ont vu « La charcuterie de la république » (1) sont habilité à apprécier. L’artiste doit veiller au grain pour maintenir le niveau, même si comme il l’estime, son public, c’est tout le monde. Trop de liberté peut faire tomber dans la vulgarité et cela ne ressemble pas du tout à Frédéric. De toutes façons, félicitations et surtout courage pour l’effort supplémentaire ! « La charcuterie de la république2 » n’a pas été que parole. L’humoriste, depuis quelques temps, chante et danse aussi ses parodies et ce n’est jamais facile se combiner les talents. « Cumul de fonctions », caricaturerait-on. Pour l’accompagner ce samedi dans sa « charcuterie de la république », l’orchestre des « sous muets », comme il les appelle.
Nathalie AKAKPO

samedi 19 mai 2007

Note de lecture

Note de lecture

Léopold Sédar Senghor
Genèse d’un imaginaire francophone
(Jean Michel Djian)

D’abord le titre. Eloquemment formulé ! Voilà réellement ce qui peut en être dit lorsque comme par magie, l’histoire d’un homme (Léopold Sédar Senghor) peut se confondre ou tout au moins, se comparer à la genèse d’une institution (francophonie). Et pourquoi imaginaire ? Juste pour dire que ce qui, au début n’était que rêve, qu’imagination, a fini par exister. Francophone ou francophonie, c’est l’idée conçue, entretenue puis accouchée.

Jean Michel Djian, journaliste français et auteur de plusieurs ouvrages sur la politique culturelle ne pouvait pas mieux trouver pour nommer cette œuvre qui, publiée chez Gallimard en 2005, affiche à la couverture, le portrait d’un Senghor dans son âge mûr, un bâton de cigarette entre l’index et le majeur. L’image est forte et annonce, sans détour, la prétention de la présentation d’un Senghor « nu », c’est-à-dire, dans ses œuvres et dans ses passions. Pour y parvenir, Jean Michel Djian s’est inspiré des témoignages écrits et oraux d’une pléthore de personnes ressources dont Abdou Diouf (successeur de Senghor à la tête du Sénégal) et Aimé Césaire (écrivain martiniquais), deux êtres qui, non seulement, ont vécu dans l’entourage du poète-président mais ont aussi œuvré avec lui.
L’ouvrage est en prose. Une prose qui n’hésite pas pourtant à glisser sur le terrain poétique à chaque fois que l’auteur le juge nécessaire ou plutôt à chaque fois qu’imprégné à satiété des élans lyriques de celui sur qui il écrit, le journaliste se laisse emporter, oubliant ponctuation et autres normes caractéristiques de la prose, pour tomber, presque naturellement, dans la poésie. Parfois, devant certaines audacieuses prises de position de Senghor, il se surprend tout simplement en pleine séance de (compliment ?) qualification (c’est le mot juste) : « Nous savons que la colonisation est un phénomène universel, qui, à côté de ses aspects négatifs, a certains aspects positifs » Courage. Hardiesse. P.105
L’ouvrage en lui-même dépasse le cadre d’une simple biographie. C’est tout une page de l’histoire qui a commencé avec la naissance de Senghor en 1906 dans un village sénégalais appelé Joal. Sa terre natale faisait partie d’un ensemble qui était déjà sous protectorat français et contrôlé par le roi Mbacke Ndep Ndiaye. Séminariste raté, il s’est finalement orienté vers l’enseignement avec un faible prononcé pour la langue française. Après son baccalauréat reçu avec mention, il se retrouva à l’école normale supérieure où il rencontra Georges Pompidou sous l’influence duquel il s’ouvrit à la littérature française contemporaine. Dans les milieux noirs, il a rencontré Léon-Gontran Damas, Aimé Césaire, Alioune Diop et beaucoup d’autres. Il connaissait personnellement les plus grands écrivains français contemporains dont André Gide, Gaston Gallimard… Mais ce qui frappe vraiment chez Senghor, c’est sa forte croyance en la parole comme action. Un peu comme le pensait aussi François Mitterrand : «Je suis de ceux qui croient qu’un langage est, et reste, la structure fondamentale de la société. » p.149
Senghor était un passionné de la culture qu’il faisait passer avant la politique. En cela, il a été parfois incompris par son peuple. Il a lutté pour les indépendances, pour la promotion des valeurs nègres. Mais il n’affectionnait pas moins les valeurs françaises, la langue surtout. Au-delà du concept de négritude, l’enfant de Joal est donc allé plus loin. Il s’est approprié et conforté celui de la francophonie. Il a bâti, avec de Gaulle, « pierre par pierre, l’institution francophone ». « C’est un français peint en noir! », s’exclama Houphouët-Boigny à son sujet. P.146. Après l’accession du Sénégal à la souveraineté le 20 juin 1960, le poète-professeur devient le premier président élu de son pays. L’histoire lui reconnaît bien de prouesses constructives à la tête du Sénégal mais l’homme aux lunettes avait, tout comme ses pairs africains, eu des moments de faiblesse : Arrestations accompagnées parfois de sanctions très sévères (prison à perpétuité, exécution). Il fit, à deux reprises, modifier la constitution de son pays…
Marié deux fois, il a connu des moments douloureux dans sa vie : Mobilisation par l’armée française et capture durant deux ans par les Allemands pendant la deuxième guerre mondiale. Suicide d’un de ses enfants. Mort par accident d’un autre.
Mais il a connu aussi des moments de gloire : En 1935, il est le premier africain à être reçu à l’agrégation de grammaire. Une abondante publication : « Chants d’ombre », 1945 ; « Ethiopiques », 1956 ; « Lettres d’yvernages », 1973…
A 74 ans, Senghor quitte volontairement le pouvoir pour se consacrer à l’écriture. 21 ans plus tard en 2001, il rendît l’âme, à 95 ans, dans « sa » France d’adoption plus précisément en Normandie. La boucle était bouclée. Une vie riche en événements et en actions dont l’auteur, également professeur à Paris 8 rend compte dans un style finalement romanesque. Oui, Senghor, c’est tout un roman. Jean Michel Djian use et abuse d’images : « Le démiurge du langage châtié a parlé. Fermez le ban. » P.135. Ici, chaque mot peut trouver un sens dans tout contexte et souvent, sans même l’apport de guillemets. C’est tout un art. Et les insinuations se justifient toujours.
Le livre fait revivre de grands moments historiques : mouvement de la négritude, la colonisation, la lutte pour les indépendances, la genèse de la francophonie etc.… On y trouve également des discours, des extraits d’écrits sur Senghor et de Senghor lui-même, certaines de ses correspondances. Pour donner un caractère scientifique à son œuvre, le fondateur de l’Université ouverte de Tombouctou y fait figurer un volet chronologique mettant en valeur la place de Senghor dans l’histoire de la francophonie et un entretien qu’il a eu sur lui avec Aimé Césaire en automne 2005 à Fort-de-France. Il faut également signaler que l’ouvrage comporte une importante iconographie. Finalement, les passions de Senghor ne seront rien d’autre que ses œuvres littéraires. Il aura essentiellement vécu pour sa passion littéraire. « Léopold Sédar Senghor , Genèse d’un imaginaire francophone », un livre à lire absolument.
Nathalie AKAKPO